mardi 28 septembre 2010

Cuisin, Charles: peintre le moins connu du Louvre

Ce post est déjà paru sur Slate.fr

Le Louvre regorge de peintres célèbres. Beaucoup de français ou d'italiens, peu d'espagnols ou d'anglais. Tous illustres. Aile Sully, deuxième étage, salle 70, juste à côté des Corot, il en est un qui a peint un tout petit tableau, et qui demeure un parfait inconnu. On ne connaît que quatre tableaux de Charles Cuisin (né à Paris en 1815 et mort à Troyes en 1859), trois se trouvent au Musée des Beaux-Arts de Troyes et un quatrième donc au Louvre, dans un couloir plutôt que dans une salle, un peu écrasé par son voisinage.

Effet de crépuscule, environs de Troyes, la chaussée du Vouldy ne mesure que 35 cm de haut et 21 cm de large, cela ne lui laisse pas beaucoup de chance de se faire remarquer. Alors, pourquoi s'intéresser à ce tableau acheté par le Louvre en 1996 ? Peut-être parce qu'il peut revendiquer le titre d'œuvre dont on sait le moins de choses dans cet univers où tout est décortiqué et analysé. Il se trouve à l'exact opposé de la Joconde, mais cela ne suffit pas. Parce qu'une exposition complète sur Charles Cuisin tient en quatre œuvres et quelques clics: Vue prise au pont des Moulins-Brûlés, effet de crépuscule, Environs de Saint Julien les Villas .

Effet de crépuscule, environs de Troyes, la chaussée du Vouldy, Charles Cuisin (Paris 1815, Troyes 1859). Huile sur toile, Paris, Musée du Louvre.

De Charles Cuisin, Wikipédia livre quelques éléments le qualifiant de « peintre de paysage français», ce qui n'est pas risqué et le rattachant à la «peinture romantique», ce qui est aventureux. Pierre Rosenberg, l'ancien président-directeur du Louvre, avoue ne rien connaître de l'homme. Effet de crépuscule a pu être authentifié par une étiquette collée au dos du tableau. Il livre une piste pour rattacher notre ami Charles à l'histoire de la peinture dans son Dictionnaire amoureux du Louvre.

«Un nom vient aux lèvres: celui du peintre allemand C. D. Friedrich (1774-1840) dont il est plus que probable que Cuisin n'avait jamais entendu parler.»

Un sculpteur français, David d'Angers, visitant l'atelier de Friedrich parlera de «la tragédie du paysage». Et voilà, Charles Cuisin rattaché au romantisme. Mais Pierre Rosenberg semble plus proche de la vérité quand il parle de «mélancolie» à propos d'Effet de crépuscule.

Il paraît possible d'effectuer d'autres rapprochements avec Camille Corot, son encombrant voisin qui semble fermer définitivement l'ère de la peinture classique pour ouvrir la porte aux Impressionnistes. Et puis tentons le Whistler et son Battersea Bridge. La verticalité les rapproche, la lumière fuyante, l'impression de mélancolie aussi. Et pourquoi pas de peintres japonais comme Hiroshige ou Hokusai ?

Nocturne in Blue and Gold : Old Battersea Bridge (68,3 × 51,2 cm), vers 1872-1875. Tate Gallery à Londres.

La raison pour laquelle on peut, on doit, faire un détour dans ce couloir où s'accroche un petit tableau d'un peintre «inconnu» est qu'il produit une émotion qui demeure longtemps après que l'on a détaillé le travail minutieux du peintre pour rendre compte de la fragilité des feuilles des peupliers. Et puis, on peut saluer Cuisin comme on rend hommage au dernier du Tour France. Cette année, en 2010, Alberto Contador a fini premier, Adriano Malori, dossard 207, citoyen italien né à Parme, a bouclé la boucle en 170e position et dernier.

Philippe Douroux

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire